Un directeur de collection, (même s'il n'a que 10 ans de plus que vous, ce qui est le cas ici) c'est un peu un père putatif, celui qui vous fait "naître" en tant qu'Auteur en vous permettant de publier. Il fait la pluie et le beau temps, refusant ou acceptant vos projets, vous conseillant, dirigeant et supervisant ensuite votre travail, avec plus ou moins de liberté...
Pour ma part, si j'excepte ceux qui m'ont donné ma première chance de publier, les gens de Twin Cam, Rémi Fernandez et ses associés de Vitry-sur-Seine qui ont créé Plein Pot en 77, celui qui m'a porté sur les fonds baptismaux de l'édition BD s'appelle Henri Filippini.
Ma première rencontre avec lui date de 1977 aussi. J'étais venu le voir et acheter des exemplaires des "cahiers de la BD" dont il s'occupait. Il tenait alors une petite librairie spécialisée (en bandes dessinées, hein...), le Kiosque, dans le Marais, tout en travaillant pour les toutes jeunes éditions Glénat.
Jacques, qui allait devenir mon éditeur était alors un jeune homme pressé aux dents longues et à l'ambition démesurée qui avait très vite compris l'utilité d'Henri et leur collaboration état déjà fructueuse. On doit à ce découvreur de talent les albums de Serre, Bourgeon, de Juillard, de Dermaut et de dizaines d'autres auteurs recrutés par ses soins.
Des livres à succès qui ont construit une base solide à Glénat dès 73 et durant plus de 30 ans avant qu'il ne prenne sa retraite...
Pour ma part, j'ai signé mon contrat en 85 au moment du lancement de Vécu, bien longtemps après cette première entrevue avec le bonhomme, qui m'avait semblé ce jour là un peu bourru et cassant, mais appréciant le travail que Rossi, Debarre, Goepfert, Golvan et moi faisions alors pour la revue de moto en BD.
N'aimant guère les sports mécaniques, ses billets d'humeur critiquaient un peu le biais choisi moto/BD en souhaitant nous voir faire d'autres trucs mais il avait perçu qu'il y avait chez nous un sérieux potentiel...
Il a d'ailleurs lui-même écrit pour Rossi au début des années 80 les aventures de Frédéric Joubert, taximan parisien dont la postérité n'a pas gardé le souvenir, mais qui a permis à Christian de sortir ses premiers albums.
Henri ne travaille plus pour Glénat. Les années ont passé, mais je me dois de lui reconnaître une vertu, celle de la fidélité en amitié. J'ai beaucoup d'affection pour lui, dont j'appréhendais jadis les coups de fil mensuels pour contrôler mon avancée (ou mes retards, surtout), commençant toujours par un "bonjour, c'est Henri Filippini" qui d'entrée me mettait dans l'angoisse et pointait sur mes plannings déficients sans cesse recalculés chroniques, que je justifiais toujours par tout un tas de raisons, pas fier... J'ai toutefois réalisé pour Glénat plus de 25 albums sous sa houlette bienveillante.
Et je l'appelle régulièrement pour lui dire ce que je fais, parler des projets même s'il n'est plus décisionnaire en rien et s'est désormais mis en retrait du métier, à son corps défendant... Et étonnamment pour moi qui ai pourtant le tutoiement aisé, je continue à le vouvoyer, même si voilà bientôt près de 30 ans que nous nous connaissons...
Merci, Henri.
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