En 1983 ou 84, je ne sais plus, je rencontre Alain Gout, éditeur de l'antique collection Signe de Piste, des livres plutôt cathos que je lisais dans mon enfance et mon adolescence.
Le prince Eric, de Serge Dalens a fait partie de mes préférés. Clair que le prénom du héros y est sans doute pour beaucoup.
On parle d'une adaptation des livres en BD, et Alain est intéressé par mon travail.
Cette histoire de jeunes scouts (dont je n'ai jamais fait partie pourtant) et de fidélité, une sorte de Club des Cinq pour ados, véhiculait des valeurs certes surannées de nos jours mais qui ne sont pas les plus médiocres. Caricaturées depuis ironiquement.
Il est vrai qu'en vieillissant, l'auteur de la série Prince Eric, (décédé en 98) a eu sur le tard plus que des sympathies pour le nationalisme. Avocat à Versailles, il fût même un temps proche conseiller de le Pen dans les années 80. Forcément suspect...
Indépendamment du côté sulfureux donc, (à mon sens sans objet) les romans exaltent des valeurs de courage et un sens de l'honneur qui font bien défaut de nos jours. Ce n'est pas un péché. De plus il convient de replacer les choses dans leurs contexte, en l'occurrence ne pas oublier que ces livres ont été écrits dans les années 30, à une époque où la société et la morale ambiante étaient bien différentes d'aujourd'hui. Ce qui n'est pas un jugement de valeur mais une simple constatation objective...
Plus encore que les romans finalement démodés, (je rappelle que le Bracelet de vermeil a été écrit par Dalens à l'âge de 22 ans en 1932, année de naissance de mon propre père) ce sont les illustrations du génial Pierre Joubert qui ont marqué le jeune lecteur que j'étais. Et peut-être conforté ma vocation de graphiste, du coup. La boucle est bouclée.
Le talent de ce dessinateur sans égal a pu être découvert dans de fort beaux livres regroupant son oeuvre et les innombrables travaux qu'il a réalisé depuis les années 30, jusque dans les années 90...
Il est mort en 2002. Patrice Pellerin lui doit beaucoup...
Bref. Dans ces années d'avant Glénat et le lancement de Timon des blés en 86, on me propose d'adapter les romans de Dalens en BD. Je réalise alors une page d'essai en couleur (déjà Chagnaud) et un dessin pour une fausse couverture que je n'ai pas retrouvé. (Le petit dessin ci-dessous avec le fond marron étant destiné à la quatrième de couv...)
C'est évidemment une relique.
Et mon dessin a bien évolué, vers plus de simplicité et de lisibilité. J'avais tendance alors à surcharger mes cases, à les remplir dans les moindres recoins, jusqu'à ce que Christian Rossi me fasse un cours magistral pour me démontrer les vertus du "blanc" et qu'il faut laisser "respirer" ses dessins...
PS: Le projet n'a pas abouti. Je crois me souvenir qu'ensuite les éditions du Lombard ont tenté le coup, sans succès...
Salut Erik,
RépondreSupprimerC'est amusant,ça a beau être un vieux boulot, on reconnait commme même déjà vachement ton style... les couleurs de Chagnaud aussi d'ailleurs ! Comme quoi dans les premières années commencent déjà les prémices de ce qui suit...
T'étais pas né que je dessinais déjà dans les critères de l'école Martin... T'as qu'à voir !
RépondreSupprimerEt tu as bien raison, quelle que soit la progression ensuite, on a son style, sa patte dès l'origine. J'étais déjà publié depuis 7 ans quand j'ai réalisé cette page et je ne la renie pas même si je ferais bien mieux à présent je crois.
Le projet a été présenté avec cette page tirée en format poster, et puis c'est mort de sa belle mort d'autant que j'avais beaucoup de travail à l'époque avec l'écriture... d'un film pour mon ami Philippe de Dieuleveut.
J'étais de plein pied dans le cinéma, avant que sa disparition au Zaïre ne vienne chambouler mes plans et ne m'amène à Timon pour Glénat l'année suivante...
J'avais justement remarqué les point commun avec Martin...
RépondreSupprimerC'est du beau travail tout ça, une belle évolution !
C'est amusant car bien que le dessin soit effectivement dans un tout autre style que ce qui se fait aujourd'hui, ce sont les dialogues que j'ai trouvés amusants et beaucoup plus surannés que les valeurs véhiculées. Je te rejoins par ailleurs sur le fait qu'à trop vouloir renier cette époque et ses valeurs, on est tombé dans un excès inverse. Aujourd'hui, il est regrettable que ces valeurs aient pratiquement disparu au sein de la jeunesse...
RépondreSupprimerNe te casse pas trop la tête là-dessu, Ed... C'est moi qui ai écrit ces textes vite fait juste pour remplir les bulles. Je n'avais pas de scénariste attitré et il fallait faire un "à la manière de..."
RépondreSupprimerDu remplissage sans plus, l'occasion de mettre en scène une fausse page. On fait mieux depuis.
Ben mon "petit" Erik (nous avons un gabarit voisin...), nous avons un autre point commun: j'ai une formidable collection de Safari Signe de Piste (presque tous des deux dernières collections, et tous les Mik Fondal!) et je suis un amateur fervent des dessins de Pierre Joubert: ses adolescentes aux traits si fins et au physique élancé de gazelle me faisaient rêver quand j'avais leur âge, et je les redessinais ensuite comme je pouvais. J'affichais les (trop rares) posters livrés avec les livres dans ma chambre. Un très grand bonhomme. Je suis ravi que tu contribues à la mémoire de son art. Mainferme
RépondreSupprimerCher Mainf, j'ai eu la chance de le croiser et de voir des originaux de lui dans un grand carton à dessins...
RépondreSupprimerPour les gazelles élancées, je te comprends oh combien. C'était un esthéte de l'adolescence sur lequel les pisse-froids ont même fait courir des rumeurs suspectes mais sans fondements (si je puis dire)
On peut admirer la beauté des corps juvéniles sans être pédophile pour autant.
Ce type était un graphiste extraordinaire et d'une humilité que bien des petits jeunes qui débutent devraient avoir...