Vendredi 13 mars 2009: (suite)
Vers 13h45, je rentre en centrale. Comme en maison d'arrêt, je donne mon nom et ma carte d'identité à l'entrée. Je devrai me nommer à chaque fois, dans les différents points de passage.
L'atmosphère y est d'entrée plus lourde et on perçoit immédiatement la différence. Après le classique portique de détection, on m'attribue un bip avec un petit bouton rouge sur lequel il faut appuyer s'il y a un problème et que je ne dois pas quitter, en le portant sur moi.
Ça calme d'entrée !
Grilles imposantes et sas rapprochés surveillés se succèdent, les gardiens ont l'air moins débonnaires et plus tendus que le matin, dans l'autre bâtiment qui n'est pourtant qu'à cinquante mètres, de l'autre côté du parking...
Après avoir traversé une dizaine de grilles, nous sommes au cœur de la prison.
La bibliothèque dans laquelle nous arrivons pour y passer deux heures est bien plus grande et fournie que celle de la maison d'arrêt, on y trouve des milliers de livres de toutes sortes (y compris des titres qu'en d'autres temps on aurait jugés litigieux, d'ailleurs, le choix m'a semblé très ouvert) et l'espace permet de lire en toute quiétude. On ne va pas dire que je les envie pour autant.
Peu à peu plusieurs hommes arrivent, des costauds qui jaugent d'entrée à qui ils ont affaire, le regard direct les yeux dans les yeux, poignées de main viriles, ils s'installent sur les chaises disposées en rond autour de moi. Farid, Moïse, "Bimbo" et son frère Rocco, des gitans, Edgar et Michel, ils ne sont que six...
C'est un peu tendu et à moi de parler, je sens à deux trois vannes d'entrée que l'on étudie mes réactions, mais je réplique et une fois la glace brisée, on va parler de tout sans faux-semblants, en exceptant les raisons qui les ont amenés ici que je ne tiens pas à connaître, par ailleurs.
Je sais juste qu'ils accomplissent de longues peines, je m'en fous, je ne suis pas venu les juger, la société l'a déjà fait, mais au contraire leur apporter un peu d'air extérieur pour qu'ils puissent durant quelques minutes se changer les idées en "sortant" de la prison. Tous participent aux ateliers d'art plastique, l'un d'eux s'est même pris de passion pour la sculpture...
Eh bien j'ai passé un moment intense, demandant d'entrée que l'on se tutoie et précisant que je me nomme Erik, pour éviter qu'on m'appelle "monsieur". Après un peu d'appréhension au départ, j'ai passé deux heures très riches et agréables avec ces hommes. Ils m'ont remercié d'être venu, je les ai remercié de la démarche et je sais que c'était sincère dans les deux cas...
Merci à mon ami Michel Janvier dont le désistement m'a permis un remplacement au pied levé... Sans lui, pas de prison pour moi.
Retour à la BD et au FestiBD de Moulins dans le post suivant...
J’ai bien aimé lire votre ‘reportage’ sur l’univers carcéral.
RépondreSupprimerJe crois que on ne sort pas indemne d’une visite au monde clos ; je suis surprise du peu de participants. Il me semble que c’était une occasion en ‘or’ de pouvoir échanger et de sortir de son temps habituel.
Néanmoins je peux imaginer que ‘là-dedans’ les motivations sont toutes autres...
C'était une expérience inédite, en tout cas et c'est ce qui m'intéressait avant tout. J'ai bien aimé le temps passé, malgré le côté oppressant de la chose, que je renouvellerai à l'occasion, si ça se présente. J'aurais voulu un suivi, pas juste un passage. Mais c'est plus compliqué à mettre en œuvre du coup.
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