05 octobre 2012

Un duel avorté...

Il y a bientôt 5 ans, mes amis du Lombard me demandaient, dans un style "à la Juillard", de réaliser un essai de trois pages sur une série en laquelle ils croyaient.

"Duellistes"...

Je suis honnête, le scénario  dont j'avais quelques pages ne m'avait pas enthousiasmé outre-mesure, mélange un peu inégal à mon sens entre "les 7 vies de l'épervier" et une sauce fantastique incluant morceaux de samouraï et kung-fu, mais c'est du boulot et on ne refuse PAS un projet proposé par un éditeur qui vous fait confiance.

Je m'y suis attelé, dans la direction graphique demandée en me disant que si j'avais le job, on pourrait sans doute retravailler un peu les aspects (des dialogues trop ampoulés, surtout) qui me paraissaient moins évident.

Le Lombard voulait du classique, donc m'en demande et je m’exécute.

Seulement l'essai n'a pas plu du tout au scénariste qui a refusé tout net et du coup j'ai travaillé pour rien.

En fait, il faut reconnaître que l'éditeur a eu l'élégance de me payer fort correctement les trois pages réalisées, ce qui est d'ailleurs rarissime pour des essais et retire la frustration de se voir retoquer un travail. Donc, j'ai digéré cet échec. Ou "erreur de casting", plus prosaïquement.

Je crois qu'ils espéraient (à raison) un truc plus enlevé, plus vivant, moins "ligne claire".

Or c'est ce que je fais et ce qu'ils voulaient que je fasse. Avec le recul (ça date de 2008), je trouve mon travail moyen, mais bon, un essai c'est aussi pour donner une direction et travailler ensuite dans le bon sens, ce ne sont pas vraiment des pages publiables sans revoir le tout et les refaire, ce que j'aurais souhaité...

Bref, quelques années plus tard, l'album sort... Ces jours-ci.

Amusant de comparer les deux premières planches de l'un et l'autre et le résultat effectivement plus pêchu donné par le dessinateur italien, un gars talentueux.

Clairement, c'est bien meilleur que moi, plus moderne dans le découpage et les teintes, avec un beau travail de la couleur de surcroît...

Donc, davantage dans la "demande graphique" actuelle.

Je sais faire, mais ce n'est pas du tout ce qu'on m'avait demandé...

J'attends de voir si le scénario a évolué lui aussi, (j'imagine que oui...) au vu du marché de plus en plus dur sur les séries historiques qui se lancent, difficile de prévoir si l'enthousiasme sera au rendez-vous... On croise les doigts pour eux.

5 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je suis dessinatrice aussi; c'était juste pour réagir au fait qu'on vous avait demandé des pages "dans le style de"...qui ont été refusées (mais payées)...

    Cela m'est arrivé aussi, et je dois dire que ça a un petit côté injuste pour le dessinateur qui a "commande" d'adapter son trait pour ensuite se faire refuser (juger?) sur ce qu'il a fait, qui parfois n'est pas ce qu'il aurait fait s'il avait eu totale liberté.

    Pour ma part, l'éditeur souhaitait que je reprenne une série et le style du dessinateur, qui au fil du temps était devenu très personnel et plutôt nerveux (encrage crayon, couleurs informatiques particulières faites par le dessinateur, découpage à l'américaine,série thriller...). Pourmoi qui évoluait dans l'historique et ne faisait pas de couleur à ce moment-là, j'ai tenté le coup...très casse-gueule en vérité.
    Mon essai, plus lâché qu'à mon ordinaire, avec cependant un encrage,mais au pinceau et sans les couleurs, a été refusé sur une sombre affaire de bouteille de plongée pas aux proportions.

    Bien entendu, le dessinateur retenu ensuite avait un style encore plus classique que le mien, très ligne claire, en tout cas rien à voir avec le style du dessinateur précédent qu'on m'avait demandé de "singer"...

    Depuis, si on me demande "à la manière de", je fais à ma manière, comme je sens le projet et avecmes envies à l'instant T, point.

    Pour moi, cette expérience a servi de leçon... et il a mieux vallu pour moi que jene sois pas retenue. La série en question avait trop de bagnoles,motos etc et je déteste dessiner ces engins!

    En l'occurrence, un "Duelliste" m'eût mieux convenu (je fais de l'escrime);) La sortie de cet album m'a en effet beacou étonnée. Je ne pensais pas que de telles séries historiques classiques se signaient encore chez les éditeurs installés. Ilfaut dire qu'en effet, dessin et couleur sont très bons, ce qui n'elève rien à votretravail. ce dernier est très conforme au cahier des charges demandé...;) Et je ne crois pas que Juilliard aurait pu en rougir;)

    Amicalement,

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  2. On ne s'est jamais croisés mais je sais très bien qui vous êtes, depuis un moment, d'ailleurs.

    Merci de cette autre vision d'une expérience similaire, je sais bien c'est monnaie courante et on a un peu tous les mêmes interlocuteurs...

    Oui, moi aussi, j'avoue que le lancement de cette série me surprend. Oh, je n'ai pas les clés, mais j'imagine que cet album est un peu "décalé" par rapport à la production actuelle, je ne sais pas du tout si c'est quelque chose qui peut "marcher".

    Je le souhaite bien évidemment pour les Auteurs, mais je suis très dubitatif. Et puis je me souviens aussi que GVM m'a répété depuis deux ans qu'ils ne lançaient rien de nouveau pour se concentrer sur les séries en cours. Alors je suis perplexe, évidemment.

    On souhaite que l'horizon s'éclaircisse, mais rien n'est moins prévisible encore, même s'il semble que des "produits" ciblés trouvent preneur. Pour ma part, je travaille sur des projets d'éditeurs, en "mercenaire", mais pas avec mes propres histoires, toutes refusées avec enthousiasme...

    ("t'es super bon on ne doute pas que tu trouveras... ailleurs !")

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  3. "On ne s'est jamais croisés mais je sais très bien qui vous êtes, depuis un moment, d'ailleurs."

    Ha, bon, bon...?
    Remarquez,je vous "connais" aussi sans vous avoir croisé, via vos BDs et aussi plus récemment via votre blog sur lequel je suis tombée par hasard et que je suis maintenant régulièrement.

    Vu votre anciennenté dans le métier, il est presque normal que je connaisse votre nom et votre travail. Par contre, l'inverse (que vous me connaissiez) est plus inattendu...

    La politique éditoriale du moment est en effet très opaque... En tout cas,les signatures se font avec parcimonie,même pour des auteurs qui sont bien installés dans le métier (alors ne parlons pas des petits nouveaux...).

    Pourtant, il y a toujours autant d'albums qui sortent... Souvent des projets d'éditeur comme vous dites, où c'est l'éditeur qui définit le produit qui marchera et demande à des auteurs (souvent de lui connus) de le fabriquer. Une démarche (discutable) où les auteurs ne sont plus à l'origine d'un projet mais des exécutants au service d'un produit.

    Loin de moi l'intention de rejeter tous en bloc ces projets qu'un éditeur a lancés et qui pour certains témoignent vraiment del'implication des auteurs et de ce fait sont de véritables réussites.
    Ce qui est à débattre, c'est la démarche: doit-on laisser à des commerciaux seuls le loisir de définir l'offre BD des années à venir? N'était-ce pas auparavant aux auteur,aux artistes, de définir ce qui est "dans l'air du temps", sans se limiter aux seules considérations commerciales?

    A l'éditeur était dévolu le rôle difficile de flairer le beau projet, de le soutenir, de le défendre, de lui permettre d'exister. Cela pouvait permettre un plus grande diversité des propos en BD, hors des grands boulevards des choses classiques "qui marchent".
    Il y a bien sûr de nos jours encore de tels projets "décalés", mais ils tendent à se réduire drastiquement. En témoigne le repli général sur les valeurs sûres, les héros des années 70/80,les séries mythiques qui ont bercé notre enfance: Astérix, Alix, Blake et Mortimer...ont tous une seconde jeunesse.

    Mais où sont les nouveaux Tintin, les nouveaux Spirou?

    Bon bon, je m'enflamme...Je vais me coucher...;))

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  4. "Mon ancienneté" dans le métier, ça c'est un truc qui tue, comme quand on dit en dédicace "mon père lisait vos Bd". Et bientôt "mon grand-père vous lisait quand il était jeune"... ça fait un moment, oui, parce que le monde est assez petit, que je regarde ce que tu fais. Mais bon, ensuite, un job de solitaire ne permet pas trop de se croiser pour peu qu'on ne choisisse pas les bonnes dates de festival.

    Et puis c'est un sacerdoce aussi, le nez dans le guidon. pour le reste tout ce que tu dis est effectivement le reflet de l'édition actuelle. Et encore, je dis pas tout pour ne pas me retrouver tricard. Personne n'étant indispensable, on est vite remplaçable et remplacé.

    Je crois aussi avoir raté quelques projets qui me sont passés sous le nez. Par ma faute exclusivement, parfois on se trompe de cheval.Et on mise sur un truc alors que la poule aux œufs d'or passe à portée.

    Ainsi un tome du Décalogue qu'on m'avait proposé au moment de la mise en place du projet et que j'ai refusé sciemment, parce que j'avais peur de m'ennuyer sur une histoire "religieuse" que je ne sentais pas. En dépit du talent de mon ami Giroud, évidemment... Certain qu'en plus ça n'allait attirer personne.

    Quelle intelligente anticipation de ma part, hein !

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  5. Bon allez, on se tutoie;)

    Pour ce qui est de ton ancienneté, ne t'inquiète pas trop, je ne suis moi-même pas toute jeune (j'approche de la quarantaine) et je t'ai surtout lu à l'âge adulte...
    Ma remarque concernant tes années de métier ne visait pas à souligner mesquinement ton grand âge, mais plutôt ta plus grande notoriété dans le métier et le grand nombre de tes publications;)

    Et puis, c'est flatteur de savoir que certains jeunes ont eu envie de fare du dessin ou du scénario, ou tout simplement ont rêvé en lisant tes livres, et s'en souviennent? Non?

    Pour ma part,j'ai peu de regrets concernant des projets prometteurs que j'ai laissés passer... Ni les éditeurs (du moins les gros),ni les scénaristes renommés ne me sollicitent pour leur projets "maison" ;)
    (Il faudrait déjà que j'ai réussi à signer chez un gros éditeur avant...et même chez un éditeur chez qui on a signé une fois, c'est pas gagné!)

    L'éxpérience que j'ai racontée était la seule pour laquelle on m'a proposé de reprendre une série (et encore, parce que j'avais proposé mes services à l'éditeur peu auparavant).

    En fait depuis que j'ai démarré, si je sollicite éditeurs ou scénaristes connus, on me renvoie gentiment (à raison sans doute) jouer dans la cour des petits. Et mes projets persos n'ont pas réussi à convaincre les éditeurs installés (surtout en ce moment). Donc je ne suis pas sollicitée car inconnue au bataillon (entre autres).

    Ce qui fait que depuis que je suis mise au dessin, je n'ai réalisé que des travaux "de commande", un peu "en mercenaire" comme tu dis, mais pour des petites structures qui me font confiance malgré mon CV pas très étoffé!

    Heureusement, je prends toujours autant de plaisir à apprendre mon métier au fil des planches, à voir jusqu'où je peux aller, dans quelle direction vont mes envies et mon trait...

    Au plaisir de se croiser un jour, donc;)

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